Dans les années 1970, Cohen, March et Olsen ont caractérisé les organisations scolaires comme des « anarchies organisées ». Ils le justifiaient par le fait que les buts de ces organisations sont difficiles à détailler avec précision, qu’elles se transforment constamment, qu’elles sont différentes d’un établissement scolaire à l’autre, et parfois problématiques. Ils soulignaient que les technologies dévolues à l’enseignement sont peu claires et que, si nous savons créer un établissement scolaire et lui affecter du personnel, nous ne savons pas comme il fonctionne. De même, la participation des individus est très fluide avec ces élèves ou enseignants qui vont et qui viennent, si bien que pour survivre dans un tel environnement, les personnes prêtent surtout attention à eux-mêmes plutôt qu’aux autres et à leur établissement. Malgré ce contexte d’anarchie organisée, il existe un certain nombre de règles et tactiques que les chefs d’établissement peuvent utiliser pour faciliter la prise de décision dans leur établissement.
Règle n° 1 : Passer du temps : les décisions qui ont des effets dans l’établissement scolaires prennent beaucoup d’énergie et c’est une ressource rare. Le chef d’établissement qui passe son temps dans la prise de décision et qui formulent des propositions doit faire face à une relative indifférence des enseignants parce qu’ils sont souvent accaparés par leurs classes et leurs activités d’enseignement. Plus les questions sont éloignées de la classe, moins les enseignants y accordent de l’intérêt. Mais quand on ne s’investit pas dans les échanges et les discussions qui précédent la prise de décision, il est plus difficile de la remettre en cause. Cela laisse des marges de manœuvre au chef d’établissement pour imposer ses choix même s’il doit y consacrer beaucoup de temps.
Règle n°2 : : si ce que propose le chef d’établissement aujourd’hui n’est pas accepté, il pourra l’être demain. Etant donné le flux continu des personnes et les variations de leur degré de participation dans les établissements scolaires, ce qui sont investis aujourd’hui ne sont pas forcément ceux qui seront investis demain. D’où l’intérêt d’être persistant dans ses propositions et de revenir régulièrement à la charge.
Règle n° 3 : Oublier le statut pour les contenus : plutôt que de s’occuper de la manière dont les budgets sont alloués pour les bonnes idées, ou de l’avancement de carrière des uns et des autres, mieux vaut pour le chef d’établissement prêter attention aux changements qui sont proposés et aux autres questions substantielles qui peuvent être débattues en se rappelant qu’il faut surtout valoriser les idées émergentes et les personnes qui les portent.
Règle n°4 : Faciliter la participation des opposants : plutôt que de chercher à combattre dans une ferme opposition les idées qui sont jugées peu ou pas adaptées à la situation, mieux vaut les absorber dans une discussion collective, et chercher à formuler une proposition cohérente menant à un consensus assez large.
Règle n° 5 : S’équiper d’une poubelle pour le tri sélectif : on peut penser la prise de décision à l’image d’une poubelle dont on trierait le contenu : différents problèmes et solutions sont déposés par les uns et par les autres, sans forcément de liens entre eux, et l’enjeu est bien d’opérer un tri sélectif afin d’adapter les solutions aux problèmes et d’étudier les problèmes que peuvent poser certaines solutions. C’est le rôle du chef d’établissement.
Sergiovanni, T. (2005). Leadership: What's in it for Schools?. Routledge.