L’attention portée par les chefs d’établissement aux comportements des enseignants et à leurs activités pédagogiques peut avoir une influence sur les résultats des élèves. La capacité du chef d’établissement à créer une culture scolaire et un projet d’établissement favorable à l’instruction constituent des déterminants efficaces. Hallinger et Heck (1997) ont exploré cette littérature de recherche entre 1980 et 1995 en étudiant les relations entre la direction pour l’instruction (instructional leadership) et la réussite scolaire des élèves. Ils ont dégagé des effets directs (quand le chef d’établissement influence les résultats), des effets intermédiaires (quand l’action du chef d’établissement affecte les résultats de manière indirecte à travers d’autres variables), et des effets réciproques (quand l’action du chef d’établissement a des effets sur les enseignants et inversement, avec toutefois un impact sur les résultats). Les chercheurs montrent que les effets indirects sont plus importants que les effets directs et que des variables intermédiaires interagissent fortement dans l’organisation scolaire. C’est donc dans la capacité à faire partager une vision avec les enseignants, à définir les missions et les buts de l’établissement scolaire que le chef d’établissement peut exercer une influence sur les résultats.
La conception de la direction scolaire par instruction a toutefois été progressivement remise en cause parce qu’elle demeurait trop proche d’une vision traditionnelle et technique de l’administration scolaire alors que l’organisation pédagogique se transformait. L’idée d’une direction transformationnelle (transformational leadership) a été consacrée par plusieurs chercheurs afin de mieux rendre compte des relations entre les chefs d’établissement avec les enseignants et avec les autres personnels, les parents, les élèves alors que l’établissement scolaire devenait plus autonome et que les rôles comme les responsabilisés se diversifiaient. La capacité du chef d’établissement à construire une vision, à communiquer, à développer des pratiques collaboratives dans la prise de décision, apparaissaient aussi importantes qu’une focalisation étroite sur les processus d’instruction et les contenus scolaires. Cette conception de la direction transformationnelle permettait d’éclaire l’action collective orchestrée par le chef d’établissement afin de mobiliser les enseignants sur des valeurs communes tout en construisant l’accord sur les objectifs à atteindre. Cette direction transformationnelle était distinguée d’une direction par transactions (transactional leadership) statuant que les récompenses (salaire, reconnaissance, etc.) et l’échange de bons et loyaux services entre chef d’établissement et enseignants déterminaient leur motivation et leur engagement. Si cette dimension de la transaction s’avère essentielle au maintien de l’organisation scolaire à travers ses routines quotidiennes (Bass, 1987, Sergiovanni, 1990), la direction transformationnelle vise l’amélioration des pratiques des enseignants et leur participation à la dynamique de changement de l’organisation pédagogique (Leithwood & Jantzi, 1991).
Leithwood et Jantzi ont étudié les pratiques de direction transformationnelle dans les districts et les Etats américains. Ils en tirent quelques conclusions quant aux objectifs poursuivis par les chefs d’établissement dans l’exercice de leurs missions. D’abord, ils sont là pour aider les membres de la communauté éducative à développer et à maintenir une culture professionnelle et coopérative. Celle-ci s’appuie sur des discussions, des observations, des critiques mais aussi des actions en commun. Des normes collectives de responsabilité et d’amélioration continue stimulent l’apprentissage professionnel. Les chefs d’établissement engagés dans une direction transformationnelle mettent en œuvre des stratégies qui impliquent les membres de la communauté éducative autour d’objectifs clairement définis, ils réduisent l’isolement des enseignants en créant des emplois du temps facilitant les regroupements, ils établissement des contacts quotidiens avec le personnel, ils partagent leur pouvoir et leurs responsabilités avec des équipes engagées dans une dynamique de changement. Ces chefs d’établissement sont aussi au centre du développement professionnel des enseignants (Leithwood et alii, 1991). Ils assurent ainsi les conditions de la formation sur site tout en prenant en compte les besoins exprimés par les équipes pédagogiques. Les chefs d’établissement cherchent aussi à résoudre leurs problèmes de manière efficace. Ils proposent de nouvelles activités dans l’établissement ou dans les classes tout en organisant des réunions régulières réfléchir à différentes perspectives d’amélioration des résultats. Comme l’ont observé les chercheurs, ce type de direction scolaire transforme fortement les relations entre les membres de la communauté éducative, en renforçant notamment les pratiques collaboratives.
Muller, F., & Normand, R. (2013). École: la grande transformation?. ESF éditeur.