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Photo du rédacteurRomuald Normand

Direction scolaire et « théorie de l’amibe » : un récapitulatif


Les théories du management et du leadership reposent sur des images différentes de la rationalité humaine. Trois images sont brièvement discutées ci-dessous (Shulman 1989). Tous les trois sont fidèles dans une certaine mesure, mais certaines sont considérées comme « plus vraies » que d'autres.

1- Les êtres humains sont rationnels ; ils pensent et agissent d'une manière conforme à leurs objectifs, à leur intérêt propre et à la façon dont ils récompensés. Si vous souhaitez qu'ils se comportent d'une certaine manière, rendez le comportement désiré clair pour eux et faites valoir le temps pour lequel ils peuvent s’y engager

2- Les êtres humains sont limités dans leur rationalité ; ils ne peuvent donner de sens qu'à une partie du monde à la fois, et ils s'efforcent d'agir raisonnablement à partir d’une compréhension limitée des faits et des alternatives. Ils doivent donc construire des conceptions ou des définitions de situations plutôt que d'accepter passivement ce qui leur est présenté. Si vous souhaitez qu'ils changent, engagez-les dans la résolution de problèmes en activant leur jugement. Ne leur dis pas juste ce qu'il faut faire.

3 -Les êtres humains ne sont rationnels que lorsqu'ils agissent ensemble ; puisque la raison individuelle est limitée, les hommes et les femmes trouvent des occasions de travailler ensemble sur des problèmes importants, en réalisant par l'effort commun ce que la raison et la capacité individuelles ne pourraient jamais accomplir. Si vous voulez qu'ils changent, développez les manières dont ils peuvent s'engager dans le processus de changement conjointement avec leurs pairs.

La première image –les êtres humains sont rationnels – s'adapte très bien à la théorie du management des chemins de fer. Dans cette théorie, des rails sont posées et les stations, les horaires et d'autres parties prédéterminées du script de voyage sont fournis. La deuxième et troisième images, en revanche, s’accommodent mieux de la théorie de l'amibe. Plutôt qu’un ingénieur qui conduit le train selon un chemin planifié et fixe vers une destination explicite, le chef d’établissement est comme le noyau d'une cellule cherchant à apporter de l'ordre, du sens et une orientation à une masse protoplasmique dont le chemin se veut autre chose qu’une direction à l’aveugle

La rationalité est obtenue en aidant les gens à donner du sens à leur monde. Quand le sens est construit, les limites de la rationalité sont surmontées. Le sens se construit lorsque les personnes sont en mesure de proposer leurs propres définitions des situations et sont impliqués avec le chef d’établissement dans la résolution de problèmes concrets. Cependant, les limites sont grandes pour quiconque voudrait y aller seul. Ainsi, une stratégie clé pour la production de sens est la mise en commun des ressources humaines dans un effort qui élargit la raison et les capacités individuelles pour fonctionner.

Dans la mise en mouvement d’un établissement comme un chemin de fer, il est important de souligner (dans l'ordre) les fins, les manières de faire et les moyens. Premièrement, établissez vos objectifs. Ensuite, compte tenu de vos objectifs, développez un plan qui comprend les cahiers des charges du management appropriés pour atteindre les objectifs. Ensuite, rassemblez vos ressources humaines. Préparez-les soigneusement en exprimant vos attentes et en imprimant la direction nécessaire, la formation et le développement appropriés, et apportez le soutien psychologique qui permettra aux enseignants et aux administrateurs d'assumer leurs responsabilités avec motivation et engagement.

Les fins, les manières de faire et les moyens supposent une certaine prévisibilité, stabilité et rationalité qui n'existent pas toujours dans le monde réel de l’établissement scolaire. En outre, ce point de vue centré sur la planification place trop la charge de la réussite scolaire sur les épaules du chef d’établissement. C’est lui ou elle qui met le système en place, s’assure de la conformité, et contrôle la bonne mise en oeuvre. Si les choses ne marchent pas comme prévu, le chef d’établissement doit être tenu responsable, pas les enseignants, les parents, ou les élèves.

Malheureusement, en raison des préjugés relatifs au management rationnel qui existent dans notre société, le système des fins, manières de faire et moyens doit être mis en place dans l’établissement scolaire. Mais il incombe au chef d’établissement de concevoir ce système en toile plutôt qu’en pierre. Comme il a été suggéré précédemment, un système de toiles que l’on peut coudre ne sert pas de modèle d'action, mais comme une source de légitimité vis-à-vis de ceux qui s'attendent à ce que l’établissement s’oriente d'une certaine façon.

Lorsque vous déplacez l’établissement scolaire comme une amibe, il faut planifier en sens inverse. Sans perdre de vue la vision globale de l’établissement, le chef d’établissement met l'accent sur les moyens, puis passe aux façons de faire, et enfin se tourne vers les objectifs. Comme le souligne Hayes : « une organisation qui adopte une approche de la planification stratégique axée sur moyens-façons de faire-objectifs assume le fait que tout le monde est responsable de la prospérité. Son succès repose sur la capacité à exploiter les opportunités telles qu'elles surgissent, son ingéniosité, sa capacité d'apprendre, sa détermination et sa persistance ».

L'accent est mis sur le développement des personnes, sur la construction de leurs talents et de leurs engagements, sur leurs liens avec les collègues afin qu’ils soient capables d'accomplir plus ensemble que chacun individuellement, en élevant la réflexion, en se donnant du cœur à l’ouvrage, et en s’investissant efficacement.

Une fois que les ressources humaines sont conçues à la fois en termes de compétences et d’engagement, l’établissement est mieux à même d'acquérir comme de développer de nouvelles et de meilleures manières de fonctionner, de se créer des opportunités et de les exploiter en les traduisant en une réussite scolaire plus efficace.

En raison de l'imprévisibilité du monde et des limites de la rationalité humaine, il fait sens de mettre l'accent sur le renforcement des capacités des personnes d'abord, puis de les encourager à développer les les façons de faire et les moyens pour utiliser ces capacités ensuite. Cette approche est préférée à celle qui développe les plans d'abord, puis cherche ensuite le savoir-faire et l'engagement pour mettre en œuvre ces plans.

Extraits de Sergiovanni, T. (2005). Leadership: What's in it for Schools?. Routledge.

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