Le « Mémorandum de Bratislava » établi par la SICI en 2013 après plusieurs années de travail lors d'ateliers internationaux acte clairement cette évolution. Ce document vise à établir les dix principes fondateurs de l'inspection dans la double perspective d'œuvrer à la professionnalisation de ses membres et de faire de l'inspection un vecteur d'amélioration essentiel des systèmes scolaires.
Le deuxième principe présente explicitement l'inspecteur comme un évaluateur garant de la qualité (de l'inspection et du système scolaire dans son ensemble) et comme un opérateur clé de la reddition de comptes des acteurs et du système sur les résultats de leur action (SICI, 2013).
Dans tous les pays européens cette nouvelle injonction à l'évaluation de la qualité perturbe considérablement les inspecteurs (Hopes, 1992) qui multiplient les espaces de réflexion professionnelle sur le sujet aux niveaux national (séminaires, articles, essais critiques) et international[1], de sorte qu'il reste difficile de conclure à une colonisation des principes du NPM par ces groupes professionnels, ou à l’opposé à un découplage (Dent et al., 2004). Selon les contextes, la dissonance introduite entre ces nouvelles orientations et leur professionnalisme initial est plus ou moins forte et elle se manifeste différemment. En Angleterre, elle suppose pour les HMI comme pour les inspecteurs locaux d'accepter de faire de leur jugement professionnel une procédure hautement bureaucratique, transparente et très formalisée ainsi qu'un outil crédible de certification de la qualité de l'enseignement.
En France, cette injonction suppose pour les inspecteurs de sortir de leur domaine de spécialité immédiat (comme l'enseignement d'une discipline dans l'enseignement secondaire ou l'inspection individuelle d'enseignants) pour adopter une vision systémique, publique et argumentée du fonctionnement de l'établissement scolaire à laquelle ils sont très inégalement préparés selon leur parcours. Dans certains cantons suisses comme le Valais, l'évaluation présente le risque de faire perdre aux inspecteurs leur rôle d'interface professionnel pour être assimilés à de nouveaux contrôleurs d'un canton dont le fonctionnement managérial, encore peu populaire, s'affirmerait alors fortement (Buisson-Fenet & Pons, 2014).
Auteur : Xavier Pons
Extraits de Louis LeVasseur, Romuald Normand, Luis Miguel Carvalho, LIU Min, Dalila Andrade Oliveira, (dir.) (2019) Les politiques de restructuration des professions. Une mise en perspective internationale et comparée, Presses de l’Université Laval, Québec. (à paraître)